15 mai 2009 - 21 iyar 5769  
 

Le bilan d’un voyage

Quand on analyse les différents aspects du voyage que vient d’entreprendre Benoît XVI au Proche Orient et singulièrement en Israël ainsi que les différents commentaires auxquels ce déplacement a donné lieu, on peut d’abord faire une observation de raison : ce fut un voyage utile à bien des égards. Il est bon qu’après Paul VI en 1964 et Jean-Paul II en 2000, le chef de l’Eglise catholique ait décidé à son tour d’entreprendre cette tournée quand ce ne serait que dans le but de lever nombre de malentendus. Nous savons naturellement qu’un certain nombre de milieux, notamment religieux en Israël, avaient appelé à boycotter la visite papale. Nous ne partageons pas cette opinion. Pourquoi ? Nous pensons que quelques initiatives maladroites ont créé entre juifs et chrétiens une ère de méfiance et une ambiance qui était en totale rupture avec celle qui prévalait quand l’Eglise avait pour chef Jean-Paul II. Les choses ne pouvaient durer ainsi. Il fallait que les esprits se calment et que les uns et les autres mettent sur la table les différents sujets de discorde et notamment leurs contentieux historiques.

De ce point de vue, retenons que Benoît XVI a eu raison de dénoncer et de condamner de la manière la plus claire « l’antisémitisme au visage répugnant ». On peut par ailleurs considérer comme une réponse indirecte au négationniste William Richardson la visite de Benoît XVI à Yad Vashem et les paroles qu’il y a prononcées : « Ne jamais nier, discréditer ou oublier les souffrances des victimes de la Shoah ». Cela n’empêche naturellement pas d’approuver le grand rabbin Israël Lau, président de Yad Vashem, quand il dit sa déception et qu’il observe que le pape n’a exprimé, en l’occurrence, aucun « regret » ni même un mot de sympathie pour les six millions de victimes.

Pourquoi hésiter à mettre également à l’actif de ce voyage le fait que le pape ait reçu les parents de Guilad Shalit et qu’il ait publiquement fait la promesse d’intervenir pour la libération du jeune soldat de Tsahal ?

Nous partageons le point de vue développé par nombre de personnalités israéliennes et selon lequel ce voyage a été, au total, utile à deux niveaux : il a contribué à réaffirmer la place de l’Etat d’Israël dans le concert des nations. D’autre part, il ouvre la voie à la nécessaire amélioration des relations entre juifs et chrétiens.
Mais qui, à l’heure du bilan, peut oublier la question, irritante entre toutes, du projet de l’Eglise qui consiste à béatifier le pape Pie XII ? Notre devoir est de continuer à dire à haute et intelligible voix que cette béatification équivaudrait à ruiner tous les efforts de réconciliation judéo-chrétienne déployés depuis des années. Sans compter que cette béatification, si elle avait lieu, serait une gifle à la mémoire des victimes de la Shoah.

On dit que c’est Benoît XVI qui a pensé et décidé avec Jean-Paul II dans le catéchisme de l’Eglise catholique en 1994 la réconciliation définitive de celle-ci avec ses racines juives.

C’est pour nous une raison de plus pour demander à Benoît XVI de rester fidèle à l’œuvre de son prédécesseur.

Joël Mergui

 
 

 

 

Yom Yeroushalayim est une commémoration annuelle célébrée annuellement à la date hébraïque du 28 Iyar, par les Juifs laïques et religieux, en Israël et dans la diaspora juive, à l’exception de la majorité des Juifs ultra-orthodoxes qui ne célèbrent pas ce jour.
Cette journée célèbre la réunification de la ville de Jérusalem après la conquête de Jérusalem-Est par Tsahal au cours de la guerre des six jours en 1967.

 

Le plan de partage de la Palestine de 1947 prévoyait deux États indépendants, l’un juif et l’autre arabe, avec un troisième État de Jérusalem sous contrôle international. L’attaque arabe contre l’État d’Israël proclamée en 1948 conduisit à la guerre israélo-arabe de 1948 qui s’achève sur les accords d’armistice israélo-arabes de 1949 et un partage de la ville de Jérusalem suivant la ligne de front, entre sa partie orientale (dont la vieille ville) sous contrôle jordanien et la partie occidentale sous contrôle israélien.

 

Pendant 19 ans, la vielle ville de Jérusalem est restée sous autorité jordanienne qui y profane synagogues, cimetières et tous les sites juifs. La présence juive fut interdite y compris sur les lieux saints du judaïsme. Des profanations de synagogues et de cimetières y ont été rapportées également.

Lorsque Tsahal conquiert Jérusalem-Est à l’issue des combats de la guerre de 1967 (le 28 Iyar 5727), Israël déclare officiellement « Jérusalem réunifiée et capitale éternelle et indivisible du peuple juif ». Le cessez-le-feu est décrété le 11 juin 1967. La Knesset reçoit la proposition de loi gouvernementale sur l’administration de Jérusalem dès le 27 juin.

 

Le 12 mai 1968, le gouvernement israélien proclame le 28 Iyar comme un jour férié en tant que "Yom Yeroushalayim". Le 23 mars 1998, la Knesset décide de faire de ce jour une fête nationale. La communauté juive la commémore comme la "libération" de la vieille ville et de ses lieux saints.

Comme pour Yom Ha’atzmaout, le Grand Rabbinat d’Israël a décrété que chaque année, Yom Yeroushalayim devrait être célébré dans la joie, notamment par des prières et coutumes religieuses particulières.

Yerushalayim la juive

C’est en 1004 avant J.-C. que le roi David, qui a rallié toutes les tribus d’Israël, conquière Jérusalem — et s’empare de la forteresse de Sion, renommée "cité de David".

"La construction d’un palais royal et l’installation de l’Arche sainte à Jérusalem la consacrent - comme capitale politique et religieuse du royaume de David", note Mireille Hadas-Lebel dans son étude sur "Le peuple hébreu" [Découvertes Gallimard, Paris, 1997].

Le judaïsme, religion nomade, dont l’histoire comme avec Abraham il y a quatre mille ans, devient une religion sédentaire. Jérusalem, aussi appelée Sion, devient le centre religieux unique du peuple hébreu. La Bible y situe le sacrifice d’Abraham, le venue du Messie, l’annonce de l’Apocalypse. "Dieu est en Jérusalem, elle ne peut chanceler", disent les Psaumes.

Salomon [-968, -928], qui succède à David, est le bâtisseur du "Temple de Jérusalem", la "Maison du Seigneur", construit sur le mont Moriah, à côté du palais royal. La construction, étalée sur sept ans, s’achève en —957.

Quatre siècles plus tard, en —597 puis en —586, le roi de Babylone, Nabuchodonosor, assiège Jérusalem, met le feu au Temple, au palais royal et à toute la ville. Il emmène en captivité à Babylone une partie de la, population [Judéens]. Des prophètes — Isaïe, Jérémie, Ezéchiel — entretiennent l’espérance du retour et de la renaissance de Jérusalem.

En —539, le roi des Perses, Cyrus, s’empare de Babylone : il autorise le retour des Judéens exilés et la reconstruction du Temple. L’édifice est inauguré en —565. La conquête de l’empire Perse par Alexandre, venu de Macédoine, en —332, n’a pas d’incidence sur le statut de Jérusalem et la liberté de religions des Juifs. L’occupation romaine, de Pompée puis de Jules César, se manifestera, elle aussi, par des mesures favorables pour les Juifs — "peuple ami et allié du peuple romain".

Après la mort de César (-44), Hérode fait édifier dans la ville haute un grand palais fortifié et reconstruire le Temple dont la construction lui paraît trop modeste. "Hérode, raconte Mireille Hadas-Lebel, aménage la plus vaste esplanade du monde antique (deux fois plus étendue que le forum que Trajan fera édifier à Rome). La vaste cour du Temple est ouverte à tous, étrangers compris mais l’entrée dans l’enceinte sacrée, qui nécessite une purification particulière, n’est permise qu’aux israélites en état de pureté. Dans l’édifice lui-même, la tripartition du Temple de Salomon est maintenue.

Il est rebâti de marbre blanc rehaussé d’or et neuf de ses portes sont revêtues d’or et d’argent aux frais de certains riches fidèles. Au soleil levant, son aspect éblouit la vue;

"Il apparaissait de loin comme une montagne enneigée car là où il n’était pas couvert d’or, il éclatait de blancheur".

Ce second Temple ne survivra pas à la révolte juive contre l’occupation romaine. Assiégée, Jérusalem est engloutie, en 70, par l’assaut des troupes romaines : le Temple est incendié, les soldats "se répandent dans les ruelles, brûlant, massacrant et pillant sur leur passage", commente Mireille Hadas-Lebel qui ajoute : "Titus ordonne de détruire la ville de fond en comble et bientôt plus rien ne laisse imaginer l’ancienne ampleur de Jérusalem".
Le Temple ne sera jamais reconstruit. La ville est rebaptisée Aelia Capitolina. En 135, Hadrien interdit aux juifs de résider à Jérusalem; il délaisse le nom de Judée et baptise la nouvelle province romane Palaestina (du grec Philistie, qui désigne un territoire plus large).

 

L’esplanade du Temple et le mur des Lamentations

Pendant dix-huit siècles, le judaïsme redevient religion de l’exil, attachée à la Loi et à la synagogue. Même détruite, Jérusalem reste "le nombril du monde", la ville sainte dont les Juifs en diaspora espèrent la reconstruction dans toutes les prières. La parole "L’an prochain à Jérusalem" exprime l’espérance de retour des émigrés juifs.

Le projet sioniste, à la fin du XIXe siècle, permet de restaurer le lien concret entre la diaspora et une Terre promise (Israël) et une ville sainte unique, Jérusalem. Du Temple d’Hérode, il ne reste qu’une partie du mur occidental, connue sous le nom de "mur des Lamentations" — le seul endroit de la ville où, sous la domination romaine, les Juifs ont le droit de venir pleurer un jour par an. L’esplanade du Temple est devenue, après la conquête arabe de 638, l’esplanade des Mosquées.

A la création d’Israël, en 1948, Jérusalem est coupée en deux, la Vieille Ville étant intégrée à la Jordanie. Malgré l’accord signé entre les deux gouvernements, les juifs n’ont pas accès au mur des Lamentations. La partie arabe de la ville est annexée par Israël lors du conflit israélo-arabe de 1967. Au lendemain du conflit, Jérusalem est proclamée capitale de l’Etat d’Israël. "Nous sommes revenus au plus saint de nos lieux saints et nous ne nous en séparerons jamais", déclare alors le général Moshe Dayan, le vainqueur d’une "guerre de six jours".

 

Lieux saints et souveraineté

La souveraineté sur les Lieux saints est, aujourd’hui, l’objet d’une discorde entre israéliens et palestiniens qui veulent faire de Jérusalem-Est la capitale de leur futur Etat. Elle oppose, dit Henri Tincq, dans "le Monde"[13.01.2001], "des pierres sacrées et des hommes". Remarquant que ce n’est que depuis 1967 que "les juifs religieux et la droite israélienne font de la souveraineté temporelle sur le Temple […] la garantie de l’indivisibilité mythique de Jérusalem et de l’éternité de l’Etat d’Israël", il définit ainsi la revendication juive :
"Pour les juifs, qui ne peuvent plus en vénérer que le soutènement occidental (le mur des Lamentations), le Temple est le signe le plus visible de la présence de Dieu au milieu de son peuple, le symbole de la permanence de l’histoire juive à travers ses exodes et ses exils, l’aboutissement de toutes les utopies et de l’aventure messianique. Jérusalem est le lieu unique de la rédemption promise, et nombreux sont ceux qui viennent se faire enterrer face à la Vieille Ville. Toute la théologie juive est ainsi fondée sur cette centralité du Temple, sans comparaison avec l’universalité chrétienne, qui a propulsé des missionnaires au bout du monde et érigé des villes-sanctuaires à Alexandrie, Rome, Constantinople ou Moscou."

Pour l’écrivain Elie Wiesel ("Le Monde",18/01/01), les Palestiniens ne peuvent faire de la Vieille Ville de Jérusalem leur capitale ; cette exigence, si elle était satisfaite, dit-il, priverait "le peuple juif de sa légitimité sur la cité de David et son droit sur son passé historique".
"Que les musulmans tiennent à conserver un lien privilégié avec cette ville à nulle autre pareille, on peut le comprendre. Bien que son nom ne figure point dans le Coran, elle est la troisième cité sainte de leur religion. Mais pour les juifs, elle reste la première. Mieux : elle est la seule. Pourquoi les palestiniens ne seraient-ils pas satisfaits de garder le contrôle de leurs lieux saints, comme les chrétiens auraient droit au contrôle des leurs ?"

 

Repères historiques

Vers 2000 avant J.C.: selon la Bible, Abraham part sur ordre de Dieu vers la Terre promise qu'Il lui a désignée, et qui s'étend entre la mer Morte et la Méditerranée; toujours selon la même source, c'est sur le rocher qui culmine au sommet de ce qu'on appellera ensuite le mont du Temple ou le Haram qu'Abraham est prêt à sacrifier à Dieu son fils Isaac.

Vers 1200 avant J.C.: Moïse reçoit de Dieu les Tables de la Loi sur le mont Sinaï.

Vers 953 avant J.C.: achèvement du premier Temple par le roi Salomon.

Vers 587 avant J.C.: destruction du premier Temple par Nabuchodonosor.

515 avant J.C.: achèvement du second Temple.

De 19 avant J.C. à 64 après J.C.: reconstruction du second Temple sous Hérode le Grand; le chantier est si important que certains considèrent qu'il a en réalité produit un troisième Temple.

70 : destruction du second Temple.

132 - 134 : hypothèse de la construction des rudiments d'un nouveau Temple, qui aurait donc été de facto le quatrième.

632 : mort du prophète Mahomet; selon la tradition musulmane, c'est depuis le rocher de l'esplanade qu'il monta au Ciel, après un voyage mystique depuis La Mecque.

638 : le calife Omar prend Jérusalem et fait construire une première mosquée.

691-92 : construction du Dôme du Rocher.

1099 - 1187 : les Croisés occupent Jérusalem.

1187 - début du XVIe siècle : la dynastie des Ayyubides, et surtout les Mamelouks (à partir de 1250) donnent à l'esplanade des Mosquées son visage actuel, et en particulier à la mosquée Al-Aqsa.

1917 : début du mandat britannique sur Jérusalem.

1948 : à l'issue de la première guerre israélo-arabe, Jérusalem-Ouest est annexée par Israël et Jérusalem-Est, qui abrite la vieille ville, passe sous administration jordanienne.

1967 : Israël s'empare de Jérusalem-Est.

Selon les croyances juives, la construction de troisième Temple sera l'œuvre du Messie dont les Juifs attendent l'avènement.

 

 
 

 

 
 

 

 
     
     
     
 

 

 

 

 

 

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