|
Beaucoup a été
dit et écrit sur les incertitudes, les risques et cet étrange
mélange d’espoirs et de craintes nés de ce
« printemps arabe ».
Beaucoup de questions, et peu de réponses. Personne ne
sait à ce jour où ce triomphe de la rue va mener
la Tunisie, l’Egypte, et tous les autres prétendants
à cette supposée révolution des peuples.
Des régimes militaires vont-ils à nouveau émerger
? Des régimes islamiques vont-ils finalement prendre le
pouvoir ? Ou de vraies démocraties peuvent-elles voir le
jour ?
Ou alors des anarchies généralisées ? Chacun
pourra spéculer et disserter, mais à ce stade de
l’histoire, nous n’en sommes qu’à devoir
faire des paris. Rien de plus. Le flou est trop épais l’instabilité
est trop forte, et le processus n’est pas achevé.
Prudence et patience.
Il semble ainsi préférable dans un premier temps
de s’interroger pour savoir ce qui s’est réellement
passé plutôt que de ce qui va se passer. Ou plus
précisément, comment tout cela a-t-il pu arriver
?
Comment
a-t-il été possible que des régimes militaires
parmi les plus durs au monde, et en tout cas le régime
le plus musclé du Moyen-Orient qui disposait d’une
armée ayant bénéficié depuis des décennies
d’une aide américaine massive, se soient effondrés
comme des châteaux de cartes face à des civils désarmés
et sans réellement livrer bataille?
Il
y a d’abord ce désespoir des populations, et en particulier
des jeunes, abandonnés par des régimes aveugles
à une situation économique et sociale désastreuse
et sans avenir. La misère et la faim ne peuvent être
contenues et cachées éternellement dans un monde
où internet et les réseaux sociaux font instantanément
diffuser l’information, permettent de se sentir moins seuls
et de s’organiser à l’abri de la terreur. L’Egypte
a un Produit Intérieur Brut par habitant de 5500 dollars
avec 55% de sa population qui a moins de 25 ans. Une poudrière,
qui a finalement explosé.
Il
y a ensuite ces autocraties policières, sclérosées
et corrompues, en place depuis plusieurs décennies sans
réelles oppositions, sans réelles élections
et sans réelles libertés. Vingt ans de règne
et d’oppressions pour celui-ci, trente ans ou quarante ans
pour celui-là. Le moyen-âge est révolu.
Il
y a enfin le rôle capital joué par les Etats-Unis
et leur Président Barack Obama. Comme Carter l’avait
fait avant lui en 1979 en lâchant le Shah d’Iran,
avec les conséquences que l’on sait, Obama a lâché
Ben Ali et Moubarak, des alliés stratégiques et
historiques des Etats-Unis, sans le moindre scrupule et dans un
esprit d’irresponsabilité totale. Alors qu’il
n’avait pas réagi aux premiers soulèvements
en Iran il y a quelques mois, il n’a pas hésité
à appeler tous les jours au départ de celui qui
était pourtant un pilier incontournable de la politique
américaine au Proche-Orient. Sans cet acharnement et fort
de l’influence américaine sur l’armée
égyptienne, les choses ne se seraient évidemment
pas déroulées de cette manière. Du lâchage
au lynchage il n’y a eu qu’un pas, qui a été
franchi par des foules revigorées par un soutien américain
inédit. La propagation des tensions vers les autres pays
arabes, dont récemment le Yemen, Barhein ou la Libye, n'en
a été que plus forte. Il sera encore largement temps
de revenir plus tard sur les raisons de cet abandon de Mubarak
aux conséquences encore incalculables, mais l’histoire
jugera. Si Obama a pu sacrifier un tel allié aujourd’hui,
à qui le tour demain ? Sans compter que cette décision
de la Maison Blanche s’est faite dans un silence complice
de bon nombre de capitales occidentales qui n’avaient pourtant
jusque là pas de mots assez forts pour encenser leurs «
amis », souvent intimes, désormais déchus.
Le suivisme n’est pas une politique.
Quelles
leçons tirer de ce cocktail explosif fait de misère
économique, de dictature politique et de lâchage
américain, et qui a effectivement mis le feu aux poudres
? Et bien qu’Israël peut et doit être fier de
son dynamisme économique et de sa démocratie, et
qu’il doit dans le même temps conserver une vigilance
absolue face aux exigences d’un allié américain
devenu aussi imprévisible et donc dangereux. Face à
cette instabilité sans précédent dans le
monde arabe, les Etats-Unis devraient s’appuyer et appuyer
la seule démocratie de la région pour construire
l’avenir. Au moment où les régimes voisins
vacillent sans savoir encore vers quoi, où l’Iran
multiplie les provocations avec des menaces qui se précisent,
où les palestiniens semblent également entrer en
zone de turbulence à l’approche d’élections
à hauts risques, et où le Hamas et le Hezbollah
veulent éviter le sort de la révolte populaire en
se radicalisant face à cet Etat juif qu’ils veulent
détruire, l’encerclement d’Israël se rapproche
à vitesse élevée et l’attitude du «
grand frère » américain sera capitale. Au
vu des évènements récents en Egypte, comment
être rassuré ?
Les
liens forts, indispensables et nourris d’intérêts
réciproques depuis plus de soixante ans entre Israël
et les Etats-Unis sont et resteront une réalité
indiscutable. Il n’en demeure pas moins que ce locataire
de la Maison Blanche semble, à cet égard, bien différent
de ses prédécesseurs immédiats. Plus qu’un
choix, la fermeté des dirigeants israéliens en devient
une nécessité. Israël doit d’abord compter
sur soi-même et fait désormais face à des
défis plus importants que jamais. C’est fort de son
armée, de sa démocratie et du soutien des communautés
juives dans le monde qu’il saura les relever.
*
Directeur de la publication Information Juive |
|